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motion de censure - Page 2

  • Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure

    « Je me sens bien parmi vous. Vous ne m’en voudrez pas de dire quelques mots au député Olivier Faure, que j’ai écouté avec attention, même si ce n’était pas facile jusqu’au bout ! » (Michel Barnier, le 8 octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    La journée du mardi 8 octobre 2024 a été pour le gouvernement de Michel Barnier l'épreuve du feu, la double épreuve du feu, et il ne s'en est pas mal tiré. L'épreuve du feu, c'est d'abord l'examen de la première motion de censure de la législature, déposée par les 192 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 4 octobre 2024. En difficulté avec ses camarades socialistes qui réclament avec bruit et fracas un nouveau congrès du PS pour se désolidariser de Jean-Luc Mélenchon, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a obtenu de ses donneurs d'ordre insoumis son quart d'heure de gloire : c'était à lui de défendre cette première motion de censure.

    Malheureusement pour lui, ce quart d'heure, qui, en fait, n'était que de treize minutes, n'aurait dû durer que dix minutes, mais dans son "envolée lyrique", le "leader" socialiste, qui s'était présenté il y a quelques jours comme un social-démocrate mélenchonien pour faire taire toutes les velléités de congrès de ses camarades du PS, n'a pas su terminer en beauté ses tirades, la conclusion flanchant dans la coupure de micro (au grand dam des députés du NFP) parce qu'il était trop long, d'où cette sortie spontanée de la présidente de séance,
    Yaël Braun-Pivet un peu désolée de sa tolérance et de son laxisme, avec un joli tutoiement : « Vous n'avez plus le micro, vous n'avez plus la parole ! Monsieur le député, je vous demande de quitter la tribune, s'il vous plaît... Non, mais tu as débordé de plus de deux minutes, ça va ! ».

    Tutoiement qui n'a pas été retranscrit dans le compte rendu intégral du Journal officiel. Cette coupure de micro lui a valu la petite vacherie du début de la réponse de Michel Barnier qui, décidément, a adopté un style très caustique et britannique : du fiel balancé comme de l'huile bouillante mais avec courtoisie et éducation, ce qui change un peu des insultes et des débordements habituels des députés du NFP/Nupes depuis 2022.


    Il faut dire que l'hémicycle était assez clairsemé. Certes, à gauche, quasiment tous les bancs était occupés, mais à part les orateurs des autres groupes, c'était quasiment vide. Normal pour une motion de censure : soit on la vote, soit on ne vote pas, et dans ce cas-là, pas la peine d'être présent.

    Reconnaissons que le discours d'Olivier Faure était bien tourné sur la forme. Bien sûr, il pêchait sur le fond du péché originel de cette législature en faisant croire que le NFP avait gagné les élections : « Jamais, monsieur le Premier Ministre, vous n’auriez dû vous tenir devant moi et siéger sur ces bancs avec un gouvernement qui, lui non plus, n’aurait jamais dû être nommé. (…) Je vous le demande sans détour, monsieur le Premier Ministre : si nous ne parlions pas de vous et si nous étions dans un autre pays que la France, comment qualifieriez-vous votre propre nomination ? Vous seriez le premier à dénoncer un hold-up électoral et sans doute à décrire un régime illibéral. (…) Vous avez appelé au compromis. Alors chiche ! Vous avez contracté une dette démocratique en acceptant la fonction de Premier Ministre alors que votre parti était arrivé en cinquième position aux législatives. Vous avez un moyen de l’honorer en acceptant d’avancer sur la base de nos amendements. Nous jugerons alors si vous êtes sincère ou si, derrière vos professions de foi, vous entendez vous limiter à tout votre programme, rien que votre programme. ».
     

     
     


    La réponse du Premier Ministre était, une fois pour toutes, la démonstration que non, ce n'était pas parce que Jean-Luc Mélenchon le proclamait que c'était vrai, le NFP n'a pas gagné les élections : « Par cette motion de censure, c’est son premier motif, vous intentez à nouveau une sorte de procès en illégitimité au gouvernement. Vous avez de la suite dans les idées ! Je n’ai pas besoin que l’on rappelle au gouvernement, à présent au travail, qu’il est minoritaire dans cette enceinte. Je le sais. Dans cet hémicycle, il n’existe d’ailleurs de majorité absolue pour personne ! Il se trouve ici 577 députés qui sont tous et chacun élus de la République et méritent à ce titre qu’on les respecte de la même manière. C’est mon cas. Il n’y a de majorité absolue pour personne ; il y a simplement des majorités relatives. C’est le choix du peuple français. Parmi ces majorités, la moins relative est celle qui accompagne le gouvernement. La participation au gouvernement de femmes et d’hommes issus des différents groupes composant cette majorité permet d’en faire le constat. Je ne veux pas perdre de temps dans des polémiques. Vous pouvez dire ce que vous voulez : c’est la réalité ! La majorité relative qui soutient le gouvernement fait preuve à son égard de vigilance. Je sais qu’elle est relative et qu’elle ne se montre pas toujours complaisante ; je ne le lui demande d’ailleurs pas. Elle est en tout état de cause composée de plusieurs groupes et elle est la moins relative, quoi que vous racontiez, monsieur Faure ! C’est la vérité ! ».

    Au-delà de sa motion de censure préventive (elle a été annoncée avant même la nomination de Michel Barnier à Matignon, c'est dire qu'elle était réfléchie !), Olivier Faure a également évoqué d'autres sujets de contrariété, notamment, bien entendu, le projet de loi de finances même si celui-ci n'a pas encore été déposé, donc, là aussi, par procès d'intention : « Au sein de votre attelage baroque, dois-je encore mentionner le musée des horreurs proposé par votre propre parti, qui suggère de faire 50 milliards d’économies directement tirées du vestiaire de l’extrême droite ? Ce serait la fin de l’aide médicale de l’État et des coupes claires dans l’hébergement d’urgence et dans l’aide publique au développement ? Monsieur le Premier Ministre, vous nous avez dit vouloir "faire beaucoup avec peu, en partant de presque rien". Dans les faits, vous voulez faire beaucoup avec les gens de peu et presque rien avec ceux qui ont tout. ». Dans l'assistance, le député LR Pierre Cordier a lancé cette pique vacharde : « Il a passé tout le week-end sur cette [dernière] phrase ! ». Insignifiante car excessive.

    La réponse de Michel Barnier : « La réalité, que nous devons dire aux Français dans toutes les circonscriptions, est que nous dépensons trop, que nous dépensons de l’argent que nous n’avons pas et que nous empruntons à des taux qui s’éloignent désormais de ceux qui s’appliquent à nos voisins européens. De ce fait, les intérêts de la dette s’élèvent chaque année à 55 milliards d’euros, soit 800 euros par Français, qu’il s’agisse d’un bébé d’un mois ou d’une personne âgée de 80 ans. Cela ne peut pas continuer ! Sauf à susciter, tout autour de nous comme sur notre territoire, de la défiance s’agissant de notre capacité à gérer les finances publiques dans le souci des générations futures, au détriment desquelles je crois que nous n’avons pas le droit de signer des chèques en blanc ou en bois. Si cette défiance s’installait, elle nous exposerait tous très gravement, à commencer par les Français les plus modestes et les plus faibles. Pour l’éviter, nous devons redresser nos comptes, réduire les dépenses publiques, dépenser moins et mieux, de manière plus efficace. Nous demanderons, au titre de ce que j’ai appelé la justice fiscale, une contribution exceptionnelle à un nombre limité de grandes entreprises et aux Français les plus fortunés, après avoir consacré l’essentiel de notre effort à la réduction et à la maîtrise de la dépense publique. Dans la discussion qui va s’ouvrir, je compte sur les propositions constructives des uns et des autres afin que, dans le cadre qui nous contraint, nous coconstruisions le budget. Chacun prendra ses responsabilités. Je prendrai les miennes avec la conviction qu’il vaut toujours mieux essayer d’être responsable que de chercher à être populaire. Cette logique de responsabilité vaut également sur la question des retraites, que vous avez mentionnée. Notre système de retraite par répartition est un atout. Nous voulons en préserver dans la durée l’équilibre financier issu de la réforme. Si les partenaires sociaux le souhaitent, nous pouvons toutefois corriger, améliorer la loi du 14 avril 2023, qui présente certaines limites. Je pense aux retraites progressives, à l’usure professionnelle, à l’égalité entre les hommes et les femmes face à la retraite. D’autres champs sont et seront ouverts au dialogue social. Je suis depuis longtemps convaincu que la cohésion sociale au sein des entreprises, quelle que soit leur taille, et dans la société constitue un facteur de compétitivité pour notre pays. (…) Qu’il s’agisse de ces importantes questions environnementales ou de toutes les autres, l’attractivité de la France, le combat pour l’emploi, qui se poursuivra pour continuer de réduire le chômage, dont vous n’avez pratiquement pas parlé, les finances publiques, la sécurité ou l’immigration, je vous demande simplement de juger le gouvernement sur ses actes. ».

    Autre argument fort (et particulièrement stupide), le RN serait l'allié du gouvernement : « En l’absence de vrais compromis avec la gauche, vous ne demeurerez à Matignon que par le consentement de l’extrême droite à laquelle vous devrez donner des gages. Votre ministre de l’intérieur, qui a déjà fait ce choix, multiplie les déclarations pour complaire au RN, passant du front républicain à l’affront républicain. ». Dans l'assistance, le député LR Philippe Gosselin a balancé : « Ce n'est qu'un florilège de formules ! ».

    Et l'orateur socialiste mélenchonisé de poursuivre : « En légitimant chaque jour l’extrême droite, votre gouvernement finira par n’être qu’un simple ascenseur pour l’échafaud. Le front républicain n’est certes pas un programme commun mais il crée, au minimum, pour ceux qui ont la République en héritage, une obligation commune : celle de répondre à ces millions de femmes et d’hommes qui n’ont que leur travail pour vivre et qui en vivent si mal. (…) Ce n’est pas la France qu’il faut rendre aux Français, ils ne l’ont jamais perdue. C’est un avenir qu’il faut leur rendre. (…) Votre gouvernement porte en lui les germes d’une contre-révolution conservatrice. ».

    Il a été ensuite sèchement coupé par la Présidente de l'Assemblée Nationale parce qu'il ne respectait pas la règle du temps de parole. Ce qui fait que son discours aux formules savamment recherchées a fait un peu l'impression d'un bide par manque de conclusion, il ne suffit pas de pondre quelques belles formules, il faut pouvoir les dire dans le temps donné.


    Le Premier Ministre Michel Barnier a esquissé un petit sourire de jubilation lorsqu'il a pris la parole pour répondre à Olivier Faure : « Monsieur Faure, je vous ai écouté présenter cette motion de censure, qui, très franchement, ne constitue pas une surprise. En effet, lors des conversations que nous avons eues au lendemain de ma nomination et qui ne sont pas secrètes, vous m’indiquiez, avant même que j’ouvre la bouche, que je constitue le gouvernement, que je fasse ma déclaration de politique générale, que vous alliez me censurer. C’est en quelque sorte une motion de censure a priori. ».


    Au-delà des réponses du Michel Barnier, cette journée du 8 octobre 2024 était bel et bien une troisième étape pour le Premier Ministre, après la (délicate) désignation du gouvernement et la déclaration de politique générale.

    Le résultat du vote sur la motion de censure a été annoncé par Yaël Braun-Pivet à 19 heures 40 : « Voici le résultat du scrutin. Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée : 289. Pour l’adoption : 197. La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. ».

    La motion de censure n'a pas été adoptée : pour le coup, cela doit clore définitivement le débat sur
    Lucie Castets à Matignon. Le NFP a été incapable de démontrer qu'il avait gagné dans l'hémicycle puisqu'il n'est même pas capable de renverser un gouvernement. Et il faut aussi en finir sur la supposée alliance avec le RN : Olivier Faure a fait dans sa présentation une faute de logique grave ! En effet, il a renversé la charge de la preuve : ce n'est pas au gouvernement de démontrer qu'il a une majorité, ce qu'il n'a pas et Michel Barnier l'a bien rappelé, d'où l'absence d'un vote de confiance le 1er octobre 2024, qui aurait été probablement négatif, mais c'est au NFP de démontrer que leurs arguments étaient majoritaires. Or, ce mardi soir, clairement, ce n'était pas le cas. Pendant trois mois, la gauche ultradicalisée a pollué le débat politique sur cette réalité alternative d'avoir gagné les élections. Ce soir, cette réalité alternative s'est définitivement heurtée contre le mur de la réalité des chiffres : seulement 197 députés sur 289 ont voté pour cette (première) motion de censure.

    Parmi les 197 députés, il faut compter 4 députés LIOT (dont Olivier Serva) et 1 député non-inscrit. En revanche, parmi les groupes du NFP, il a manqué à l'appel la voix du député communiste Emmanuel Tjibaou (fils de
    Jean-Marie Tjibaou), absent et probablement retenu dans sa circonscription en Nouvelle-Calédonie. Contrairement à ce que certains commentateurs supputaient, aucun député du socle gouvernemental (comme on l'appelle maintenant, à savoir LR, EPR, Horizons et MoDem) n'a voté pour la motion de censure. Ce qui était cohérent.

    Donc, on peut dire que si l'échec de cette motion de censure était prévisible puisque le RN avait déjà annoncé qu'il ne la voterait pas (et pour cause : le RN refusait d'approuver la double idée que le NFP était vainqueur des élections et que le RN était allié au gouvernement !), c'était néanmoins un échec encore plus important que prévu. Car il faut comparer ce score, 197 députés, avec le score du candidat au perchoir André Chassaigne le 18 juillet 2024, qui avait réussi à recueillir 206 voix et pas seulement 197. C'est donc pour la gauche mélenchoniste un désaveu plus important que prévu de la part de l'Assemblée Nationale.

    Ce mardi 8 octobre 2024 fut une journée doublement noire pour le NFP, comme j'ai évoqué au début la double épreuve du gouvernement de cette journée, même si cela ne concerne pas directement le Premier Ministre mais le Président de la République. Tenue dans la matinée à l'Hôtel de Lassay, la conférence des présidents qui rassemble l'ensemble des leaders qui comptent dans l'Assemblée (vice-présidents, présidents de groupe et présidents de commissions permanentes), ayant pour but de fixer les ordres du jour avec la participation du gouvernement, a rejeté l'examen de la stupide
    motion de destitution déposée contre Emmanuel Macron par Mathilde Panot.

    Le compte rendu affirme : « Proposition de résolution visant à réunir le Parlement en Haute Cour : la conférence des présidents a refusé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à réunir le Parlement en Haute Cour, en vue d’engager la procédure de destitution à l’encontre du Président de la République, prévue à l’article 68 de la Constitution et à la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution. ».

    Les socialistes avaient accepté de laisser passer cette motion lors de la réunion du
    bureau de l'Assemblée le 17 septembre 2024, mais elle a été rejetée très largement lors de la réunion de la commission des lois le 2 octobre 2024 dans la matinée par 54 voix contre, 15 voix pour sur 69 présents.

    Il est bon de rappeler les arguments. Lors de cette réunion de la commission présidée par Florent Boudié (EPR), le rapporteur de la motion de destitution Jérémie Iordanoff (EELV) a expliqué : « Que l’on s’attache à la lettre de la Constitution ou à la pratique, au regard des prérogatives du Président de la République, sa fonction doit être protégée, "y compris contre son titulaire", comme l’indiquait la commission Avril. C’est tout le sens de la procédure prévue à l’article 68 de la Constitution. En effet, la protection du Président de la République a des contreparties logiques, notamment la nécessité pour le Président de la République de respecter ses devoirs constitutionnels, ainsi que le vote des électeurs lorsqu’il s’exprime. Le non-respect de ces devoirs doit d’une manière ou d’une autre être sanctionné. (…) Aux termes de la présente proposition de résolution, le manquement de l’actuel Président de la République résulterait de "l’absence de nomination d’un Premier Ministre issu de la force politique arrivé en tête aux élections législatives du 30 juin au 7 juillet 2024, et ce alors que la démission officielle du gouvernement date du 16 juillet 2024". (…) Il est certain que le respect du résultat des élections législatives est un devoir du Président de la République. Pour autant, force est de constater qu’en l’absence de majorité absolue et faute d’avoir pu négocier une coalition plus large atteignant le nombre de 289 députés, aucune force politique n’a remporté les élections. Arriver en tête est une chose, gagner en est une autre. Nous pouvons bien entendu regretter que le chef de l’État n’ait pas choisi de donner sa chance à un membre de la coalition arrivée en tête au second tour des élections législatives. Cependant l’article 8 de la Constitution ne lui imposait pas de nommer une personne issue de cette force politique. Cela ne peut donc raisonnablement être qualifié de manquement. (…) Il importe de rechercher plus généralement si, dans la situation politique et institutionnelle inédite de notre pays, le chef de l’État a manqué à ses devoirs. La dissolution elle-même était incompréhensible et, en réalité, absurde. Alors qu’une dissolution sert normalement à régler des crises, celle-ci en a provoqué une ; c’est une première. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. Quant au délai de nomination du Premier Ministre, le problème n’est pas en soi qu’il ait été trop long, mais qu’il ait été injustifié. Deux mois ont été perdus. C’est autant de temps en moins pour rechercher une coalition ou diriger l’État. Chacun voit aujourd’hui, avec les retards accumulés dans la préparation du budget, comme ce délai fut inconséquent. Le Premier Ministre a été nommé en contradiction flagrante avec le barrage républicain qui fut pourtant l’événement politique majeur du second tour. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. (…) À titre personnel, je considère que le doute est permis, que ces fautes politiques, compte tenu de leur accumulation et de leurs répercussions, peuvent constituer un manquement. Mais s’ils en constituent bien un, encore faudrait-il qu’il soit manifeste, c’est-à-dire, comme l’indique le rapport Avril et comme les auditions l’ont confirmé, que sa reconnaissance "transcende les clivages partisans". Or cette condition ne semble pas satisfaite. Un autre mécanisme existe pour placer l’exécutif au sens large devant ses responsabilités : la motion de censure. ».


    Ce double échec parlementaire du NFP a donc été très instructif sur la prétendue "victoire" électorale du NFP : échec dans la procédure stupide de destitution du Président de la République, et échec dans la motion de censure dont le dépôt, en revanche, avait toute sa légitimité institutionnelle puisqu'elle concourt à la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement.


    Heureusement pour les enragés insoumis, ils auront le droit de redéposer une nouvelle motion de censure et une nouvelle motion de destitution. Reste à savoir quelle en sera la fréquence, car les parlementaires ont d'autres choses à faire que s'occuper de ces enfantillages politiciens, par exemple, construire le budget de l'année prochaine et s'occuper des Français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     

     

  • Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier

    « Par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent, par respect envers nos institutions, et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances, ramasser l’action publique que certains ont laissé choir, je vous le dis, monsieur le Premier Ministre : le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est la pire des politiques. Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable : refuser de censurer a priori votre gouvernement pour lui donner une chance, si infime soit-elle, d’engager enfin les mesures de redressement nécessaires. » (Marine Le Pen, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Contrairement à la rumeur publique, Michel Barnier et ses ministres ne sont pas les otages de Marine Le Pen et de son groupe RN à l'Assemblée Nationale. Le groupe RN et ses alliés ne comptent que 142 députés sur 577 et pour faire adopter une motion de censure, il en faut au moins le double, 289. Illustration par l'absurde : les premiers à tirer, c'est la gauche.

    En effet, les 192 membres des partis de la
    nouvelle farce populaire (NFP) ont déposé ce vendredi 4 octobre 2024 une motion de censure contre le gouvernement. Sa rédaction semble quasiment sortie d'une école primaire, sur le fond et même sur la forme, puisqu'on y relève quelques fautes d'orthographe (c'est vrai que, dans une sorte de comble de l'idéologie gauchiste, certains de ces députés considèrent que la connaissance de la langue française dépendrait du niveau de son compte en banque ; cela pourrait bien s'appliquer au gourou Jean-Luc Mélenchon).

    Les motivations de cette motion de censure reprennent la fable urbaine selon laquelle le NFP aurait gagné les élections : eh bien, non, 192 députés ne constituent pas une majorité, pas même relative. Si cela avait été le cas, le candidat du NFP André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisqu'il suffisait, au troisième tour, de n'avoir qu'une majorité relative. Si
    Yaël Braun-Pivet a été brillamment réélue, c'est parce qu'une autre coalition, plus importante que le NFP, soutient aujourd'hui le gouvernement, avec une majorité relative très faible, certes, de 213 députés, mais supérieure aux troupes du NFP.

    On n'insistera pas sur les nombreux exemples de mauvaise foi politicienne dont est truffé le texte de cette motion de censure, comme le fait que le Président de la République
    Emmanuel Macron n'a pas voulu nommer l'inconnue de la dette abyssale de la ville de Paris Lucie Castets à Matignon : « Le Président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le nouveau front populaire. ». Truffé aussi de procès d'intention comme celui-ci : « Michel Barnier semble se contenter de vaines paroles sur la défense de l’environnement et du climat. Ainsi, le ministère de la Transition écologique a par exemple hérité d’un périmètre d’action fortement rogné. ». Ce qui est très maigre pour donner une raison de tuer le gouvernement.

    Sur le sujet environnemental, Michel Barnier a déjà répondu à Cyrielle Chatalain, la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée : « Madame la présidente Chatelain, vous avez parlé d’effets de manche mais je ne vois pas où vous en avez trouvé dans mon discours. Je n’en ai pas fait et je n’en ferai pas, on dit d’ailleurs souvent de moi, je le sais bien, que je suis trop sérieux et pas marrant. Je me suis exprimé sincèrement et sobrement et je continuerai ainsi. Je suis attentif, vous le savez, à la transition écologique. J’étais même engagé avant vous sur ces questions. (…) Je rappellerai ici que j’ai la fierté d’avoir créé, il y a trente ans, le fonds Barnier, dont il est beaucoup question. Je continue à suivre son développement et je vais avec la ministre compétente augmenter les moyens dont il est doté. J’estime en effet que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation et qu’une réparation anticipée et organisée est plus efficace et moins coûteuse qu’une réparation improvisée. ».

    Ce qui est désolant avec cette motion de censure, c'est que ceux des députés socialistes supposés s'être opposés à la mainmise des insoumis sur la gauche ont finalement tous signé ce texte de censure, en particulier Jérôme Guedj, Aurélien Rousseau, ancien ministre d'
    Élisabeth Borne, et même François Hollande, ancien Président de la République, qui n'a vraiment pas peur de l'humiliation publique. Tous ceux-là viennent de montrer, en s'associant aux délires mélenchonesques, qu'ils ne souhaitent plus gouverner la France, ils ne souhaitent plus être responsables ni crédibles.

    Incontestablement, ceux qui risquent de faire sauter le gouvernement Barnier ne sont pas d'extrême droite mais de la gauche ultradicalisée. Si cette gauche ne voulait pas censurer le gouvernement, le RN n'aurait aucun poids politique, ne pourrait rien exiger, puisqu'il serait dans l'incapacité de réunir 289 voix pour faire adopter une motion de censure.


    D'ailleurs, il était très instructif (et risible) de voir Manuel Bompard, le représentant des insoumis, sur France 2 le soir du 3 octobre 2024, faire la danse du ventre devant la représentante du RN, la suppliant de voter pour sa motion de censure, alors qu'il se prétend la locomotive du combat contre le RN (sauf quand il a besoin de lui). La réponse a été très claire. Laure Lavalette, députée RN, a rejeté les appels du pied des insoumis : « Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas censurer en amont déjà ce gouvernement. On va, j'allais dire, donner la chance au produit (…). On ne peut pas ajouter du chaos comme vous le faites. ». Le RN en situation d'être responsable alors que François Hollande joue au pyromane de la République : postures improbables.

    Cette motion de censure sera examinée en séance publique l'après-midi du mardi 8 octobre 2024, après l'hommage solennel à
    Louis Mermaz, ancien Président de l'Assemblée Nationale, et les questions au gouvernement. Son issue prévisible est le rejet, faute d'avoir convaincu les députés RN de se joindre à la gauche (pour une collusion des non, mais certainement pas pour un gouvernement commun).
     

     
     


    Mais revenons sur la position du RN qui peut étonner. Marine Le Pen, dans un discours très grandiloquent, écrit avant d'avoir écouté la déclaration de politique générale de Michel Barnier, en a donné quelques éléments de compréhension le 1er octobre 2024.

    La chose principale, qui ne coûte pas un rond, c'est d'avoir de la considération : représentante de millions d'électeurs, Marine Le Pen veut que les 142 députés RN et alliés soient reconnus comme tels, comme des élus de la République et soient ainsi respectés comme tels, puissent participer aux concertation, puissent aussi participer à la gestion de l'Assemblée (le 19 juillet 2024, ils ont été exclu du
    bureau de l'Assemblée au contraire de la législature précédente qui comptait deux vice-présidents RN de l'Assemblée). Sa revendication a été ainsi formulée : « Je le dis ici de manière solennelle, à l’intention de chacun des ministres, de tout détenteur de l’autorité publique issue de ce gouvernement : nous entendons que les 11 millions de patriotes qui ont voté pour notre coalition d’union nationale soient respectés, que cessent ces attaques inutiles et injustes qui procèdent tant du mépris de classe que de l’intolérance caractéristique des totalitarismes. Ces attitudes n’honorent ni surtout ne servent le pays, son unité, son modèle démocratique. ». Devant les députés, Michel Barnier n'a pas arrêté d'annoncer qu'il écouterait tous les groupes, qu'il n'exclurait aucun groupe politique. Il a donc tout bon !

    Sans s'empêcher de fustiger le Président de la République à de nombreuses reprises, Marine Le Pen a voulu se montrer responsable et annoncé qu'elle ne s'opposerait pas pour s'opposer. C'est vrai qu'en procès depuis le 30 septembre 2024, avec vingt-six autres dirigeants du RN, sur une suspicion de fraude de 7 millions d'euros, pour une durée très longue de deux mois, la potentielle candidate du RN préférerait attendre que cette affaire soit oubliée avant un prochain scrutin.

    Elle a ainsi interpellé Michel Barnier : « Ma première demande, monsieur le Premier Ministre, est simple : faites preuve de volontarisme dans tous les domaines, et pas seulement dans celui des finances. Il ne s’agit pas de vous concilier votre "aile gauche", votre "aile droite" ou vos "partenaires exigeants", bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de justifier votre inaction par le respect de médiocres équilibres partisans : il s’agit de produire un impact rapidement perceptible par tous les Français. Or, en vous écoutant, j’entends des constats, mais tout de même bien peu de solutions. ».

    Voulant montrer sa bonne volonté, Marine Le Pen a encouragé le gouvernement à faire preuve de courage : « Vous avez sur ce point, monsieur le Premier Ministre, une possibilité considérable : sans mandat électif à défendre aujourd’hui ou demain, vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies dont le gisement a été identifié depuis des années, dans les observations de la Cour des Comptes comme dans d’autres rapports publics portant sur le sujet. Une étude américaine publiée fin 2023 évalue à quatre points de PIB les pertes causées en France par la suradministration. ». Il faudra donc rappeler à ses éventuels électeurs venant de la gauche que le RN est pour restreindre l'intervention de l'État, comme le souhaite également son allié ultralibéral
    Éric Ciotti. Ce qui est tout à fait dans la tradition du FN dont le fondateur, son père Jean-Marie Le Pen, voulait supprimer l'impôt sur le revenu.

    Elle a même proposé à Michel Barnier les clefs de sa popularité : « Vous le savez, nous avons trois priorités, au sujet desquelles notre vigilance s’exercera de manière accrue : le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. Ce faisant, nous vous rendrons service, puisqu’elles correspondent aux exigences des Français et que vos mesures en la matière, peut-être, vous rendront populaire ; la France aussi y trouvera son intérêt, puisque ces urgences, trop longtemps négligées, ne peuvent plus l’être davantage. ».

    La dirigeante du RN a donc donné sa règle du jeu très clairement, les trois « lignes rouges sur lesquelles notre groupe pourrait, demain, fonder un vote de censure ». C'est habile : elle n'a réduit sa "surveillance" que sur trois sujets et pas plus, parce qu'elle veut obtenir des avancées concrètes sur les mesures que proposera le gouvernement. En cela, elle joue le jeu de l'écoute et de la coconstruction de la loi quand la gauche joue l'opposition systématique et l'obstruction (jusqu'à vouloir
    destituer le Président de la République pour des raisons de cour de récréation).


    La première ligne rouge : baisser la pression fiscale


    Le choix des priorités du RN est intéressant : « La première d’entre elles réside dans l’évolution de la pression fiscale, déjà insupportable, qui s’exerce sur les Français, en particulier sur les classes populaires et moyennes. Toute hausse d’impôt touchant les plus fortunés, entreprises ou ménages, devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens modestes, qui travaillent et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans. ».

    Le meilleur moyen de réduire le déficit, pour le RN, est donc de s'attaquer aux dépenses publiques, ce qui, pour de nombreux membre de la majorité, est du bon sens (mais n'est pas facile à pratiquer). Elle a même apporté son soutien à venir pour toutes les décisions courageuses de réduction des dépenses : « Soyez-en sûr : dans cette mission, nos députés ne vous seront pas des obstacles, mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage. ». Le gouvernement n'en demandait pas tant !


    La deuxième ligne rouge : baisser la pression migratoire

    Sans surprise, après le pouvoir d'achat, l'immigration est le thème par excellence du RN pour racoler des électeurs (et il y parvient !) : « Notre deuxième ligne rouge serait l’absence du sursaut migratoire, sécuritaire et pénal qu’attendent des millions de Français. Nous vous demandons, à vous qui teniez il y a quelques années un discours si ferme à ce sujet, de remettre à votre agenda, dès le premier trimestre de 2025, un projet de loi "immigration" restrictif, reprenant au minimum les
    dispositions censurées en janvier par le Conseil Constitutionnel. De plus, puisqu’une tragique actualité a encore une fois mis en lumière la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des laisser-passer consulaires, je vous suggère une règle simple : en l’absence de laissez-passer, zéro visa. ».
     

     
     


    Notons quand même que cette dernière règle n'aura aucune efficacité, et l'ancien Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est bien placé pour le savoir car il avait essayé et il se trouve que les ressortissants des pays en question, faute de visa français, demandent un visa espagnol et avec Schengen, peuvent arriver en France en toute légalité. En clair, ces pays se moquent bien d'une politique de zéro visa. Il faut trouver autre chose pour être efficace.

    Comme on le dit généralement, les solutions les plus simplistes sont les moins efficaces (sinon, on les aurait mises à l'œuvre depuis longtemps). Les responsables politiques ont toujours cette tentation prétentieux qu'avant eux, la lumière était éteinte et qu'avec eux, tout va réussir, alors que, ici, les idées du RN ne sont pas vraiment innovantes, c'est le moins qu'on puisse dire.


    Marine Le Pen a réclamé d'autres mesures sur le plan sécuritaire et pénal, qui semblent recevoir un écho favorable pour la majorité des députés (et ne devraient donc pas être la cause d'un renversement possible du gouvernement).


    La troisième ligne rouge : le scrutin proportionnel

    Je cite cette troisième et dernière condition pour ne pas censurer le gouvernement Barnier, qui est le
    mode de scrutin. J'y reviendrai très prochainement plus en détails.

    Quand on analyse les deux premières conditions, elles ne sont pas insurmontables. En quelque sorte, Marine Le Pen a choisi d'emballer convenablement son choix de ne pas censurer le gouvernement et de tenter d'y donner son influence. Tout ce tralala pour garder la face. C'est sans doute une stratégie payante à moyen terme, sauf si le gouvernement réussit trop bien.


    Ainsi, Marine Le Pen s'est positionnée totalement à l'opposé de l'affrontement permanent voulu par la gauche : « Si je prends l’engagement aujourd’hui de ne jamais céder, un seul instant, aux médiocres sirènes de la comédie des menaces de censure qui seraient fondées sur autre chose que l’observation impartiale de vos actes, c’est parce que c’est à vous, et à vous seul, qu’il appartient, par la juste prise en considération des mesures que je viens d’évoquer, de faire de cette période, autant que possible, un temps de construction et de service de l’intérêt général. Cet esprit d’ouverture ne doit pas être interprété comme un blanc-seing, pas plus que notre esprit républicain ne doit être assimilé à de la faiblesse, de l’irrésolution, voire une forme d’allégeance à un gouvernement que nous considérons davantage de circonstances que de convenance. ».

    Elle a même donné un argument patriotique à sa non-censure : « L’absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement, pour notre pays et pour les Français, une double servitude technocratique, française et surtout bruxelloise. Or le pays a besoin de décisions politiques, parfois fortes et exigeantes, qui ne peuvent émaner que de politiques et non d’administratifs, aussi dévoués soient-ils, ni, encore moins, d’instances supranationales, acquises à d’autres intérêts. ».

    À la fin de son discours, Marine Le Pen a été ovationnée, tous les membres de son groupe et de celui d'Éric Ciotti se sont levés, montrant aussi une manifestation de force dans l'hémicycle face à un Premier Ministre qui, à la fin de sa déclaration de politique générale, n'a eu que les membres du groupe LR (Droite républicaine) pour se lever et le saluer, les membres de l'ancienne majorité macroniste étant restés ostensiblement assis (ce qui, à mon sens, n'est politiquement pas très malin).

    Comme celui qui tombait du haut d'un immeuble, dans le film "La Haine" (de Mathieu Kassovitz, sorti le 31 mai 1995), Michel Barnier peut se dire à la veille du délicat débat budgétaire : "Jusqu'ici, tout va bien !". Mais, ne soyons pas trop rapide, regardons d'abord précisément qui votera (ou ne votera) pas la motion de censure ce mardi 8 octobre 2024. La première motion de censure, évidemment, car la gauche n'hésitera pas à en déposer régulièrement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-3-lignes-rouges-de-marine-le-257018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241001-marine-le-pen.html